Faut-il investir dans la Défense européenne ?

ETF Défense : les meilleurs choix

Bonjour à tous,

Ici Pierre Maynial, alias Monsieur Capital.

Depuis deux semaines, je reçois plusieurs fois par jour la même question :

« Vu le contexte géopolitique, est-ce le moment d’investir dans des entreprises d’armement ? »

Il faut dire que le sujet fait la une : face à un retrait américain, l’Europe envisage de se réarmer et de créer un fonds européen de défense d’environ 150 milliards d’euros. De quoi soutenir les équipementiers du continent et susciter un grand intérêt chez de nombreux investisseurs.

Les performances boursières récentes de ces entreprises ont de quoi faire tourner la tête.

Sur les six derniers mois :

  • Rheinmettal : +167%

  • Dassault Aviation : +60%

  • Thales : +62%

  • Airbus : +27%

Bref, la Défense fait partie des rares secteurs à avoir bénéficié des débuts tonitruants de la présidence Trump. Dans l’incertitude ambiante, on pourrait se dire qu’il est plus astucieux de miser sur cette vague plutôt que d’attendre un hypothétique rebond des grands indices mondiaux.

Mais est-ce vraiment une opportunité aussi attrayante qu’elle en a l’air ? Pas si vite. Voici quatre points clés à considérer avant de vous lancer.

1. Risque d’arriver « après la bataille » (sans mauvais jeu de mots)

Lorsqu’on flaire une opportunité boursière, il faut toujours se demander : « Qu’est-ce que je vois que le marché ne voit pas ? »

Or, dans le cas de la Défense européenne, aucun secret : tout le monde sait que les États européens veulent renforcer leurs capacités militaires, et les cours des entreprises du secteur ont déjà explosé.

  • Entrer sur un marché après de telles hausses (+60% à +167% en 6 mois) est très risqué.

  • La situation est encore très volatile : après plusieurs séances de hausse, l’action SAAB a par exemple perdu près de 5,3% en une seule séance mercredi dernier.

  • En cas de paix durable en Ukraine, il est fort probable que les plans de réarmement européens perdent de leur élan et que les cours s’ajustent.

En clair, il y a un vrai risque de correction si vous décidez d’entrer maintenant.

2. Les entreprises européennes peuvent-elles réellement livrer ?

Même si les annonces politiques laissent présager des carnets de commandes bien remplis, la capacité de ces entreprises à fournir dans les délais est un gros point d’interrogation.

  • Par rapport à leurs homologues américains, les équipementiers européens restent plus proches de l’artisanat que de l’industrie de masse.

  • Les faibles budgets de Défense passés ont conduit à une production limitée et à peu d’économies d’échelle.

  • Dassault Aviation a par exemple peiné à passer à une cadence de trois Rafale par mois pour livrer ses clients internationaux (Inde, Émirats arabes unis). Les sous-traitants n’ont pas pu suivre assez vite. Cette priorisation du Rafale a par affecté les livraisons des jets d’affaires.

De plus, beaucoup de ces entreprises souffrent de situations financières difficiles (surendettement, etc.) qui limitent leur capacité à moderniser ou élargir leurs chaînes de production.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Eric Lombard veut lancer un programme de recapitalisation du secteur, en proposant aux Français de placer au moins 500 euros pour devenir « indirectement actionnaires des entreprises de la Défense ». On peut donc s’attendre à des augmentations de capital, permettant au public d’injecter des fonds frais pour soutenir l’outil industriel.

3. Miser sur des décisions politiques : un pari risqué

J’ai eu le plaisir d’être invité par mon ancien employeur (Alix Partners) à une intervention de Guillaume Faury, PDG d’Airbus.

Il faut être un brin téméraire pour confier son argent aux seules promesses politiques, surtout quand elles viennent de programmes européens. Pourquoi ? Parce que :

  • Les plans nationaux ou européens se déploient sur le long terme :

    • Ils doivent passer chaque année par des votes budgétaires, soumis à des alternances politiques.

    • Ils exigent une cohésion européenne loin d’être acquise (les projets communs peuvent être freinés par des désaccords entre États).

  • Même des pays hors de l’UE, comme le Royaume-Uni, peuvent interférer dans ces programmes.

  • Chaque État a ses propres industriels, ses standards, ses besoins et ses intérêts géopolitiques.

Bref, l’Europe n’est pas monolithique et ses plans de réarmement peuvent se heurter à d’innombrables obstacles en cours de route.

4. L’omniprésence des États-Unis

Que l’on veuille ou non, les États-Unis restent incontournables dans le paysage de la Défense, et ce pour plusieurs raisons :

  1. Protection militaire : Ils détiennent encore des bases en Europe et, dans le cadre de l’OTAN, fournissent un parapluie nucléaire à plusieurs États.

  2. Grands clients des groupes européens : Beaucoup d’acteurs comme BAE, Airbus, Leonardo ou Thales vendent déjà massivement aux Américains. La mise en place de politiques de « préférence nationale » de part et d’autre pourrait fortement impacter les carnets de commandes.

  3. Fournisseurs indispensables : Les chaînes de production sont très imbriquées. De nombreux composants critiques sont fabriqués outre-Atlantique. Pour les pays qui ont déjà adopté du matériel américain (Pologne, pays baltes, etc.), difficile d’imaginer passer du jour au lendemain à un équipement 100 % européen.

Conclusion : à court terme, les entreprises américaines pourraient conserver une grosse part de l’effort de Défense en Europe.

En résumé

Parier sur la Défense européenne après de telles hausses reste très spécultatif. Les processus politiques sont lents et aléatoires, et l’industrie américaine est loin d’être hors-jeu.

L’idée de miser son argent sur la « coopération européenne » doit faire réfléchir : les succès industriels européens (Airbus, FREMM, MBDA) se sont souvent bâtis sur un nombre limité de partenaires (France-Allemagne, France-Italie, etc.). Dès qu’on cherche à réunir trop de pays autour d’un projet, la tâche s’annonce complexe, longue et semée d’embûches.

Enfin, même sur le plan national, la montée en cadence se heurte à de vraies difficultés industrielles, financières et politiques.

Si vous souhaitez malgré tout vous positionner sur le secteur de la Défense, plusieurs outils sont à votre disposition :

  1. ETF spécialisés

    • Future of Defense (ISIN : IE000OJ5TQP4) : un indice mondial avec une forte dominance US, axé sur l’innovation, avec une hausse d’environ +36% sur les six derniers mois.

      • 5 premières lignes : RHEINMETALL (5,1%), SAFRAN (5,1%), BAE SYSTEMS (4,7%), PALANTIR TECHNOLOGIES (4,6%)

    • iShares Global Aerospace & Defense (ISIN : IE000U9ODG19) : exposition mondiale au secteur, avec une forte exposition aux plus grands acteurs US

      • 5 premières lignes : GENERAL ELECTRIC (14,2%), RAYTHEON TECHNOLOGIES (11,0%), BOEING (8,6%), AIRBUS (6,9%), LOCKHEED MARTIN (6,2%)

    • VanEck Defense (ISIN : IE000YYE6WK5) : indice plus européen (Europe : ~1/3 de l’indice)

      • 5 premières lignes : PALANTIR (8,9%), THALES (8,7%), LEONARDO FINMECCANICA (7,6%), BOOZ ALLEN HAMILTON (7,4%), LEIDOS HOLDINGS (7,2%)

  2. Sélection d’actions européennes

    • Dassault Aviation, Thales, Rheinmettal, Safran, Airbus, SAAB, Leonardo, BAE

  3. OPCVM

    • À noter que l’excellent fonds Indépendance et Expansion Small I (ISIN : LU1832175001), dont je vous avais déjà parlé en décembre, détient notamment Rheinmettal et Dassault Aviation dans ses 5 plus grosses positions.

Si vous avez des questions ou que vous souhaitez revoir la répartition de votre portefeuille à la lumière de ces informations, n’hésitez pas à me contacter.

Bon week-end et à très bientôt,
Pierre Maynial
Alias Monsieur Capital

Les informations disponibles dans ce message sont à but éducatif et ne constituent pas des conseils d'investissements personnalisés au sens du Code Monétaire et Financier.