Guerre commerciale : évitez la punition

Des solutions pour vos investissements

Bonjour à tous,

Ici Pierre Maynial, alias Monsieur Capital.

Aujourd’hui je vais vous parler de l’impact de la guerre commerciale sur l’économie et les marchés financiers.

En fin d’e-mail, je vous donnerai aussi des pistes concrètes pour gérer votre portefeuille en cette période d’incertitude.

Comme vous, je suis choqué par l’actualité de cette semaine.

Tout le monde croyait à un coup de poker diplomatique. Les annonces de l’administration Trump sont en réalité un revirement historique.

Plus violemment qu’en 1930, sous la présidence Hoover, l’Amérique a renoué avec le protectionnisme. Le niveau des barrières douanières annoncées n’avait pas été égalé depuis 110 ans (voir la courbe ci-dessous).

Taux effectif moyen de droits de douane aux Etats-Unis - Evolution depuis 1880 (% de la valeur des biens importés). Source : The Economist

Cette décision n’est pas uniquement économique : elle acte une rupture stratégique et idéologique avec l’ordre commercial bâti depuis 1945 par les États-Unis eux-mêmes.

Rappelons-nous la fameuse bataille navale de la Baie de Tokyo (1853), où la flotte américaine avait contraint le Japon à s’ouvrir au commerce international. Trump a définitivement rompu avec la tradition américaine du libre-échange.

Le 8 juillet 1853, le commodore américain Matthew Perry conduisit ses quatre navires dans le port de la baie de Tokyo, cherchant à rétablir, pour la première fois depuis plus de 200 ans, un commerce et des échanges réguliers entre le Japon et le monde occidental

Le retour du “mur douanier” américain

À titre personnel, je n’aurais pas cru voir les États-Unis renier à ce point leur propre héritage économique de mon vivant.

Depuis Bretton Woods, l’Amérique avait façonné le monde selon les principes du commerce ouvert et des alliances durables.

Aujourd’hui, la Maison-Blanche parle de « libération économique » dans un ton presque revanchard, comme si le reste du monde s’était enrichi sur le dos des Américains, en pillant leur prospérité.

« L’Amérique a été violée et dépouillée par ses partenaires commerciaux » a même tonné Trump.

On croirait entendre un discours du président Chavez, pas du président de la première puissance mondiale.

Des écrans de fumée et une erreur économique majeure

Pourtant, aucun économiste sérieux ne soutient ces décisions.

Selon The Economist, ce que Trump présente comme une “grande victoire historique” est sans doute « l’erreur économique la plus profonde, inutile et dangereuse des temps modernes. »

Et le Financial Times d’enfoncer le clou : « La méthode de calcul des droits de douane est absurde économiquement, dangereuse politiquement et contre-productive sur le plan stratégique. »

“Donald Trump announced the biggest break in America’s trade policy in over a century—and committed the most profound, harmful and unnecessary economic error in the modern era.”

The Economist, 3 avril 2025

“Calculation deeply flawed economically and will fail in stated aim of ‘driving bilateral trade deficits to zero”

Financial Times, 3 avril 2025

D’ailleurs, savez comment a été calculée la fameuse “formule” qui sert à déterminer les droits de douane ?

C’est simple comme une recette de cuisine. Vous prenez le déficit avec un pays donné et le divisez par la valeur des importations. Puis vous divisez ce chiffre par deux et vous obtenez les droits de douane.

Résultat :

  • 20 % pour l’Union Européenne

  • 27 % pour l’Inde

  • 34 % pour la Chine

  • 46 % pour le Vietnam

De la même manière, Trump affirme que l’Union Européenne taxe les importations américaines à hauteur de 39%. Mais personne ne comprend ce chiffre. Pas même Paul Krugman, prix Nobel d’économie. Quand on prend les 3% de droits de douane que l'UE impose aux produits américains et la TVA de 20 % en Europe, on est très loin des 39 %...

Cette guerre commerciale ferait presque oublier les causes structurelles du déficit américain : une épargne domestique trop faible par rapport à l’investissement. Et les droits de douane les plus élevés du monde n’y changeront rien. Avant d’être un problème commercial, les déficits sont avant tout un problème macroéconomique.

Inflation, choc sur les marges… et affaiblissement du dollar

Le résultat de cette guerre est prévisible :

  • Explosion des prix à l’importation aux Etats-Unis

  • Une inflation qui pourrait dépasser 4 % dès cette année

  • Un relèvement brutal des taux (par la Fed) pour freiner cette spirale inflationniste

Tout cela pèsera sur la consommation intérieure, les marges des entreprises et… sur les marchés.

Hier, Wall Street a décroché, le dollar s’est replié de plus de 2 %, et les valeurs industrielles exposées à l’Asie (comme Nike, lourdement implantée au Vietnam) ont perdu jusqu’à 12 % en séance.

Le VIX, l’indice de la peur de la bourse américaine, mesure la volatilité du S&P 500. A plus de 30 pts, il a atteint de nouveaux sommets hier soir. Source : Google

Si les autres puissances (comme l’Europe) répliquent, cela débouchera sur une spirale inflationniste et des effets économiques désastreux.

Un dernier espoir cependant. Le calendrier de l’administration Trump est encore fluctuant. Les annonces visant l’Union Européenne devaient entrer en vigueur le 1er avril. La prise d’effet serait finalement décalée entre mi-avril et la fin du mois. Dernier espoir de négociation pour éviter le pire ? A suivre…

Est-ce un ultime coup de poker de l’auteur du “Art of the Deal”. A suivre dans les procahines semaines…

Quelques pistes pour vos placements

Ces deux derniers jours, on m’a demandé plusieurs fois ce qu’il fallait faire pour protéger son portefeuille.

J’ai répondu qu’il ne fallait pas nécessairement fuir les marchés, mais se protéger et être plus sélectif.

Voici quelques pistes.

1. “Conserver” les très grandes entreprises du S&P 500 et EuroStoxx 50

  • Elles disposent de structures mondialisées, d’usines réparties sur plusieurs continents et les moyens de se réorganiser (Exemple frappant : 66% des véhicules BMW vendus aux US sont produits localement)

  • Elles subiront certainement les hausses de coût des fournisseurs. Mais ces entreprises ont un pouvoir de marché qui leur permet de limiter cette hausse de coûts et/ou de les transférer aux consommateurs.

  • Je m’attends donc à ce que leurs marges soient préservées

Elles seront donc en partie protégées de ce choc.

 Attention aux valeurs technologiques américaines cependant, car elles pourraient subir les mesures de représaille, notamment en Europe (Ex : Google).

Source : Lazard Gestion

2. “Sous-pondérer” les entreprises de taille intermédiaire : mid caps européennes ou américaines (Russell 2000 ou Euro Stoxx 600)

Ces entreprises sont davantage concentrées sur un seul marché ou une seule chaîne d’approvisionnement. Elles risquent donc de souffrir davantage.

Si vous êtes fortement exposé au Russell 2000 ou à l’Eurostoxx 600, il peut être judicieux de réduire légèrement votre exposition à ces indices.

3. Se couvrir contre le risque de change (au moins partielle) 

Enfin, dans un contexte de volatilité monétaire croissante, je recommande de couvrir partiellement vos expositions en dollars ou autres devises. Cela peut se faire facilement via certains ETF (EUR hedged).

4. “Sur-pondérer” les actifs et secteurs moins risqués 

Certains actifs et secteurs d’activités peuvent donner plus de résilience à votre portefeuille. Je citerais pêle-même :

  • l’or (voir mes précédentes newsletter sur le sujet)

  • les foncières cotées (SIIC) européennes (qui se sont particulièrement bien comportées hier, pendant la tempête)

  • certains secteurs d’activité moins volatils : santé, énergie

Conclusion

En résumé, ce que l’on vit actuellement n’est pas anecdotique. C’est un tournant structurel. Un retour vers un monde plus fragmenté, plus nationaliste, moins coopératif.

Comme souvent, les marchés finiront par digérer cette onde de choc. Mais, en attendant, il faut garder la tête froide.

Si les marchés finissent par sur-réagir, nous pourrons saisir quelques bonnes opportunités pour acheter « en solde ».

N’hésitez pas à me contacter si vous avez besoin d’aide pour mettre en place une stratégie efficace et sur mesure.

A très bientôt et bon week-end,

Pierre Maynial
Alias Monsieur Capital

Les informations disponibles dans ce message sont à but éducatif et ne constituent pas des conseils d'investissements personnalisés au sens du Code Monétaire et Financier.